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John is Learning : les secrets de construction du récit participatif

Découvrez dans ce second volet la construction et les techniques d’articulation de la composition hybride du récit participatif John is Learning

A l’occasion du festival Futur en Seine, les 14, 15 et 18 juin 2014, l’IRI (Institut de Recherche et d’Innovation) du Centre Pompidou (Paris) accueillait le #TransmediaMIX. Un événement produit par l’association TransmediaReady représentée par sa présidente et fondatrice Mme Karine Halpern. Sous la forme d’ateliers participatifs dont le mode de fonctionnement croisait les principes de travail du barcamp et du hackaton, il s’agissait dans un temps court (2 jours de cocréation et un jour pour faire le bilan) de réaliser « une preuve de concept transmedia et de créer une œuvre collaborative et collective avec comme thème générique : « les acteurs du changement et l’éducation – #chagemakers § #Education ».

Le challenge se déroulait sur place, au centre Pompidou et en ligne. Il se voulait à la fois coopératif, ludique et avait une dimension internationale avec la présence en ligne, dans un rôle de mentor, de spécialistes internationaux de contenus transmédias. Après avoir dans le volet précédent décrit le dispositif socio-technique mis en place, j’aborde maintenant l’oeuvre transmédia produite. Elle associe une partie narrative déployée sous forme de bande dessinée interactive et un espace de contribution en ligne où sont mutualisés contenus, défis et productions des utilisateurs.

Dans ce billet nous analyserons de manière approfondie l’univers diégétique construit autour du personnage de John dans John is Learning. Nous nous appuierons sur les concepts de l’univers transmédial développés par les théoriciens Lisbeth Klastrup et Susana Tosca dans leurs travaux. Et pour analyser la structure du projet je mobilise la méthodologie proposée en par Ryan Javanshir, Beth Carroll et David Millard que nous avons vue précédemment dans ce blog, si ce n’est pas le cas, je vous recommande de vous y reporter. L’objectif est de comprendre comment est construit le storyworld afin d’éclairer les enjeux pédagogiques portés par cette œuvre collaborative.

Photographie : Karine Halpern

L’univers transmédial de John is Learning : mythos, topos, ethos

D’après les travaux de Lisbeth Klastrup et Susana Tosca, deux universitaires de renom dans les domaines de la culture numérique à l’Université IT de Copenhague, dans leur article « Transmedial Worlds – Rethinking Cyberworld Design » publié en 2004, un monde transmédial se définit comme un contenu système abstrait qui utilise une variété de formes médiatiques, où le public et les concepteurs partagent une représentation mentale commune de ce monde fictionnel.

Pour analyser l’univers diégétique d’une œuvre transmédia, Klastrup et Tosca introduisent trois notions clés :

– Le mythos renvoie aux conflits fondateurs, événements et personnages clés qui façonnent l’univers de référence.

– Le topos désigne le cadre spatio-temporel et la géographie détaillée où se déroule l’action.

– L’ethos correspond à l’éthique et au code de conduite implicite ou explicite qui régissent le monde représenté.

Examinons à présent de quelles manières ces trois dimensions sont développées au sein du monde transmédia de John is Learning.

Photographie : Karnie Halpern

Le mythos

Le mythe fondateur de la disparition des parents

Le mythe fondateur qui catalyse l’ensemble du récit transmédia John is Learning est la disparition soudaine des parents de John. En effet, c’est cet événement tragique qui va venir bouleverser le quotidien du jeune adolescent jusqu’alors. Après avoir vécu dans une organisation familiale atypique où il bénéficiait d’une éducation libre et nomade, parcourant le monde avec ses parents, John se retrouve orphelin et doit quitter ce cadre éducatif qui lui convenait. Il est alors contraint d’être confié à son grand-père paternel résidant en Bretagne.

Ce mythe inaugural crée la rupture dans l’univers de John et va faire naître le conflit identitaire qui sera au cœur de son parcours dans l’œuvre. Devant intégrer un système scolaire traditionnel et rigide qu’il ne connaît pas, le jeune garçon va devoir trouver sa place dans cet environnement peu familier, tout en préservant les savoirs et expériences acquises de manière plus informelle auparavant.

La disparition soudaine des parents de John apparaît donc comme le déclencheur tragique qui va plonger le personnage central dans le désarroi, mais aussi catalyser sa quête initiatique semée d’embûches au sein du récit transmédia. C’est ce mythe douloureux qui donne tout son sens à l’objectif de résilience poursuivi par le héros tout au long de son parcours.

Les personnages clés : John et son grand-père

Outre le mythe fondateur de la disparition des parents, deux personnages principaux cristallisent l’univers diégétique de John is Learning. Le premier est John lui-même, protagoniste central dont le parcours initiatique va catalyser l’ensemble du récit transmédia. Confronté à l’adaptation difficile au nouvel environnement scolaire, c’est la quête identitaire de John qui va motiver sa démarche face aux différents défis. Le second personnage clé est le grand-père de John, auprès de qui le jeune garçon est contraint de vivre après le décès de ses parents. Figure rassurante et sage, le grand-père va épauler John dans ses efforts pour trouver sa place. Il endosse un rôle paternaliste de soutien émotionnel et de transmetteur de savoirs, conseillant son petit-fils tout au long de son adaptation.

Ces deux personnages centraux, l’un confronté à un changement radical de vie et l’autre comme figure protectrice, cristallisent le mythe fondateur de rupture familiale. Leur relation intergénérationnelle devient le moteur qui anime la construction identitaire de John au cœur du récit, faisant d’eux des personnages clés de premier plan au sein du monde narratif.

Le conflit identitaire de John face au système scolaire

Le troisième élément structurant le mythos de John is Learning est le conflit identitaire qui va animer le personnage principal face à sa nouvelle situation. En effet, après avoir bénéficié d’un mode d’apprentissage libre et éclectique au contact de nombreuses cultures lors de ses voyages avec ses parents, John se retrouve projeté de force dans le cadre éducatif rigide et codifié du système scolaire français. Ce changement radical de paradigme éducatif va plonger le jeune garçon dans un profond désarroi. Décontenancé par les méthodes d’enseignement traditionnelles, il va devoir faire face aux incompréhensions de ses camarades et des enseignants face à ses savoirs atypiques acquis de manière plus autonome.

La confrontation entre ces deux approches pédagogiques opposées, l’une privilégiant la liberté d’apprentissage et l’autre le carcan des savoirs formatés, cristallise le conflit identitaire dans lequel est projeté John. Ce choc des modalités éducatives constitue le cœur du mythe développé par l’œuvre, faisant de cette interrogation sur les destins individuels façonnés par différents cadres scolaires un enjeu crucial de l’initiation du héros.

Catalyse du récit transmédia par le mythos

L’ensemble des éléments constitutifs du mythos développé par John is Learning, à savoir le mythe fondateur de la disparition des parents, les personnages clés de John et de son grand-père, et le conflit identitaire du protagoniste face au système scolaire, agissent de manière combinée comme catalyseur du récit transmédia. En effet, c’est ce triptyque diégétique qui va donner toute sa dynamique et sa cohérence à la narration déployée sur les différents médias.

Le mythe initial projette John dans la déstabilisation et fait naître sa quête de résilience au cœur du système institutionnel. Les personnages de John et de son grand-père, l’un acteur de cette initiation et l’autre guide bienveillant, personnifient cette quête existentielle. Quant au choc des cadres éducatifs opposés, il cristallise le nœud conflictuel que le héros devra résoudre pour trouver sa place, au travers des défis qui lui sont lancés de manière transmédia.

C’est donc ce socle mythique commun qui assure la cohésion de l’univers diégétique et sa compartimentation sur l’ensemble des médias constituant l’œuvre. En présentant ces motifs narratifs récurrents, le mythe confère une profonde unité au récit en lui donnant tout son sens fondateur. Il catalyse ainsi de façon pérenne la progression initiatique de John au cœur du monde fictionnel.

Photographie : Karine Halpern

Immersion dans le topos

Le cadre spatio-temporel

Le topos développé par l’œuvre transmédia John is Learning se scinde en deux espaces-temps bien distincts qui vont rythmer le parcours de John.D’un côté, le cadre atypique de l’éducation itinérante du jeune garçon au gré des déplacements de ses parents dans le monde. Si aucun détail géographique précis n’est donné, on comprend que John a côtoyé une multiplicité de pays et de cultures au cours de son enfance.De l’autre, le cadre bien délimité qui lui est imposé à présent : la ville de Lorient en Bretagne, où réside son grand-père. Ancré dans la réalité française contemporaine, ce nouveau terrain va constituer un environnement bien différent pour John.

Cette dichotomie spatiale reflète la rupture biographique du personnage principal. Projeté d’un cadre nomade à l’international vers un ancrage régional voire local, John se retrouve projeté hors de sa sphère habituelle, accentuant son sentiment de déracinement. En outre, le contraste des espaces-temps renforce la problématique identitaire du héros et inscrit le récit dans une dialectique spatiale riche de sens pour sa progression initiatique au cœur du monde fictionnel.

La géographie détaillée des lieux

Bien que le cadre éducatif itinérant de John ne soit pas documenté de manière précise, certains lieux constitutifs du topos de l’œuvre sont décrits de façon détaillée.Le collège de Lorient, nouvel établissement scolaire dans lequel John est contraint de s’intégrer. Lieu de la socialisation mais aussi de la confrontation à des méthodes éducatives rigides qui lui sont étrangères. Le domicile du grand-père paternel, cadre intime où l’affect et les valeurs culturelles viendront en contrepoint du carcan institutionnel. Figure tutélaire, le grand-père initie John à sa vision de l’éducation.

J’y intègre aussi la plateforme collaborative en ligne, reflet du talent polymorphe de John puisqu’il y contribue par différents médias. Espace de partage des savoirs qui complète l’école. Les événements physiques ponctuels qui viennent compléter l’univers, comme les rencontres qui associent participants dans un même lieu.

En esquissant ces détails géographiques récurrents où prend chair le parcours de John, le topos confère une assise concrète au monde fictionnel, rendant sa représentation à la fois familière et signifiante pour les publics.

Le contraste des modalités éducatives

La géographie détaillée des lieux au sein du topos de John is Learning souligne le contraste entre les deux modalités éducatives expérimentées par le personnage principal. D’un côté, la scolarisation itinérante et informelle dont a bénéficié John auprès de ses parents. Une éducation ouverte sur le monde, valorisant l’apprentissage autonome, la découverte ludique et la construction identitaire par l’échange interculturel. De l’autre, le cadre rigide du collège de Lorient, symbole du système éducatif traditionnel français. Un ensemble de savoirs formatés transmis de manière univoque selon une pédagogie normative laissant peu de place à l’individualité.

Ce contraste exacerbé par le récit met en exergue la tension identitaire de John pris entre deux conceptions antagonistes de la transmission des savoirs. D’un apprentissage libre valorisant la circulation des idées à une éducation cloisonnée figeant les statuts, le personnage est tiraillé. En dessinant ces approches opposées condensées dans les lieux du collège vs ceux de la famille, le topos cristallise le cœur conflictuel du parcours de John et donne chair à sa problématique existentielle.

Les autres lieux virtuels et physiques

Outre les lieux ancrés de manière récurrente que sont le collège et le domicile du grand-père, le topos de John is Learning comprend d’autres espaces significatifs :

– La plateforme collaborative en ligne, support virtuel investi d’un rôle pédagogique majeur. Espace de contributions libres, elle vient compléter l’école de manière plus ouverte.

– Les réseaux sociaux numériques mobilisés comme canaux d’échanges et de socialisation des participants. Lieux virtuels d’interaction communautaire.

– Les événements physiques ponctuels tels que les ateliers et rencontres. Occasions de vivre l’univers de façon collective en adoptant une posture réflexive en présence des autres.

– Les lieux de vie des participants, qui par leur participation viennent enrichir l’œuvre de leur propre géographie.

Ces espaces virtuels et physiques annexes densifient le topos en lui donnant une dimension élargie, décloisonnée, à l’image de la conception éducative prônée. Ils complètent de façon significative les principaux décors en donnant corps à une diffusion communautaire des savoirs.

Circulation au sein de l’éthos

La problématique éducative centrale

L’éthos qui irrigue l’univers transmédia de John is Learning pose comme questionnement central la problématique éducative à laquelle le personnage principal est confronté. En effet, tiraillé entre ses acquis antérieurs et le cadre scolaire auquel il doit désormais se plier, John symbolise le questionnement sur les différentes modalités de transmission des savoirs.

Doit-il renoncer à la liberté d’apprentissage qui était la sienne pour se conformer au carcan de l’institution ? Peut-il conjuguer ces approches opposées ? Faut-il privilégier l’émulation ou l’épanouissement individuel ? En choisissant de faire de cette interrogation le cœur du parcours initiatique de John, l’éthos développé promeut une réflexion sur les destins individuels façonnés par différents cadres pédagogiques.

La circulation au sein de cet éthos consiste précisément pour John et les publics à s’approprier ces questionnements, tout en leur apportant des éléments de réponse de manière positive et collaborative.

Les valeurs sous-jacentes de l’œuvre

L’éthos du monde transmédia de John is Learning repose sur un ensemble de valeurs dont découlent les objectifs poursuivis :

– L’ouverture d’esprit, à l’image du parcours atypique de John riche en rencontres interculturelles.

– La libre circulation des savoirs, loin des circuits formels traditionnels, entre les publics comme au cœur des problématiques abordées.

– La valorisation de l’apprentissage tout au long de la vie, associant connaissances académiques et savoir-faire empiriques.

– La valorisation des individualités et des modes d’apprentissage personnalisés.

– Le partage et la mutualisation des ressources dans une logique collaborative et communautaire.

– L’émancipation par l’appropriation autonome des connaissances et la participation active.

– L’entraide et la bienveillance comme moteurs de l’apprentissage du et par les autres.

Ces valeurs d’ouverture d’esprit, de participation, de co-construction et de circulation libre des idées et savoirs sous-tendent l’éthique progressiste qui irrigue la trame de John is Learning.

Adéquation avec les objectifs pédagogiques

L’éthos développé au sein du monde transmédia de John is Learning fait directement écho aux objectifs pédagogiques visés par les concepteurs de l’œuvre. En effet, les valeurs promues d’ouverture, de libre circulation des savoirs, d’apprentissage tout au long de la vie, de participation active et de collaboration entre publics, correspondent précisément aux ambitions affichées.

Il s’agit de:

– Faire réfléchir sur différentes approches éducatives de manière ludique et participative.

– Encourager l’appropriation autonome des connaissances et les apprentissages entre pairs.

– Tester une méthodologie transmédia combinant narration et partage communautaire.

– Concevoir une œuvre ouverte, dynamique et appropriable librement par de nouveaux publics.

L’adéquation entre cet éthos valorisant une éducation alternative, émancipatrice et connectée, et les objectifs visant à responsabiliser les apprenants de manière ouverte et durable, confère une cohérence profonde au projet. Le monde créé promeut donc sciemment les finalités éducatives recherchées.

Photographie : Karine Halpern

Structure du récit transmédia

Pour analyser la structure du récit transmédia de John is Learning, je m’appuie sur la méthodologie proposée par Ryan Javanshir, Beth Carroll et David Millard dans leur article « Structural patterns for transmedia storytelling » publié dans la revue académique PLOS ONE. Ces auteurs présentent un modèle permettant d’identifier les caractéristiques structurelles fondamentales d’une expérience transmédia. Leur modèle considère qu’un récit transmédia se compose de canaux (ex: un site web), eux-mêmes constitués d’instances (ex: une mise à jour du site). Chaque instance contient des liens vers d’autres instances, une interactivité et un état (statique ou live).

Ce modèle permet de décrire de façon systématique la structure d’un récit transmédia, en identifiant l’ensemble des canaux utilisés ainsi que leurs instances chronologiques. Il offre un outil d’analyse visuelle et descriptive sur lequel je m’appuie pour examiner la structure de John is Learning.

Les canaux et leurs instances de manière exhaustive

L’analyse des documents révèle que John is Learning articule deux volets principaux : une bande dessinée interactive narrant de façon linéaire l’histoire de John sur la plateforme Klynt et une plateforme collaborative rassemblant contenus pédagogiques et défis à relever pour les participants. S’ajoutent à ces deux canaux principaux des supports annexes tels que les réseaux sociaux, vidéos, événements physiques qui complètent l’univers narratif. En appliquant le modèle de Javanshir et al., je peux à présent lister de façon exhaustive l’ensemble des canaux et décrire pour chacun ce que pourrait être la chronologie de leurs instances. Je tiens à préciser ici que ce travail a été à peine esquissé lors du TransmédiaMIX et que j’extrapole afin de clarifier le propos.


Légende :
– BD: Bande dessinée interactive
– Plat.: Plateforme collaborative
– Réseaux sociaux
– Vidéos
– Événements
– ■ Interactivité passive
– □ Interactivité active
– _Statique_
– Souligné: Live

Bande dessinée interactive sur Klynt (avec Mémoways)

  • Instance 1 (semaine 1) : Introduction de John
  • Instance 2 (semaine 2) : Premier défi de John
  • Instance 3 (semaine 3) : Suite des aventures de John

Plateforme collaborative en ligne

  • Instance 1 (semaine 1) : Espace de travail vierge
  • Instance 2 (semaine 2) : Premières contributions des utilisateurs
  • Instance 3 (semaine 3) : Enrichissement des contenus

Réseaux sociaux

  • Instance 1 (semaine 1) : Présentation du projet
  • Instance 2 (semaine 2) : Point d’étape et appel à participation
  • Instance 3 (semaine 3) : Bilan et nouvelles fonctionnalités

Vidéos pédagogiques

  • Instance 1 (semaine 2) : Tutoriel d’un module
  • Instance 2 (semaine 3) : Témoignage d’un participant

Événements physiques

  • Instance 1 (semaine 1) : Atelier de lancement au Centre Pompidou
  • Instance 2 (semaine 3) : Rencontre avec classes participantes

En répertoriant de façon systématique l’ensemble des canaux mobilisés et leurs instances chronologiques selon le modèle de Javanshir, Carroll et Millard, il est possible de décrire de manière exhaustive la structure du récit transmédia John is Learning.

Les modèles narratifs, de navigation et d’instances

Les documents décrivant l’expérience John is Learning fournissent des informations sur les modèles utilisés pour la narration, la navigation entre les instances et le type d’instances.

Concernant le modèle narratif, l’histoire de John racontée de façon linéaire dans la BD interactive constitue l’histoire principale, tandis que les contenus de la plateforme collaborative viennent l’enrichir de manière subsidiaire.

Pour le modèle de navigation, l’expérience semble adopter majoritairement un mode cumulatif : les utilisateurs ont accès aux différents supports de manière autonome tout en bénéficiant des apports des autres canaux de façon connectée. De nouvelles instances sont disponibles à chaque étape mais l’accès aux précédentes est conservé.

Enfin, à propos des modèles d’instances, plusieurs types semblent mobilisés. Tout d’abord, le rôle-jeu puisque les utilisateurs peuvent endosser différents rôles. Mais aussi le format artefact dans la mesure où les contenus produits sont persistants et continuent d’enrichir l’univers narratif. Certains événements physiques relèvent quant à eux du modèle d’instance live.

L’identification de ces différents modèles structurants selon l’approche méthodologique définie par Javanshir, Carroll et Millard offre un cadre d’analyse permettant de décrire plus en profondeur la structure du récit transmédia John is Learning.

La logique combinatoire des motifs

L’analyse de l’expérience John is Learning à l’aide du modèle de Javanshir, Carroll et Millard fait émerger plusieurs motifs structuraux récurrents. En termes de motifs narratifs, on retrouve à la fois le motif « histoire principale » portée par la BD et le motif « contenus subsidiaires » développés sur la plateforme.

Pour les motifs de navigation, c’est le motif « cumulatif » qui domine, laissant aux utilisateurs la possibilité de naviguer de manière autonome entre les différentes instances tout en bénéficiant des apports des autres canaux de façon connectée.

Du côté des motifs d’instances, les auteurs font intervenir le « game play » à travers les possibilités d’interaction offertes, le format « artefact » pour la persistance des contenus, ou encore le modèle « live » pour certains événements physiques.

Ces différents motifs structurels récurrents s’articulent de manière combinatoire au sein de John is Learning. Leur logique d’assemblage offre des configurations narratives variées qui viennent enrichir l’expérience de récit transmédia. Elle favorise différentes réalisations qui fait la richesse du récit transmédia. L’analyse systématique de ces éléments structurants selon l’approche de Javanshir, Carroll et Millard apporte un éclairage pertinent pour comprendre l’articulation des rouages.

Photographie : Karine Halpern

Une œuvre qui encourage la participation active des apprenants selon plusieurs modalités

Les modalités

L’expérience transmédia John is Learning met en place différentes modalités participatives afin d’encourager l’implication active des apprenants :

– La plateforme collaborative invite les participants à produire et partager librement contenus éducatifs, ressources, témoignages sous diverses formes (textes, images, vidéos).

– Les événements physiques stimulent les rencontres entre pairs et avec les acteurs du projet, favorisant les échanges.

– La BD interactive propose des défis à relever qui amènent les lecteurs à prolonger l’histoire de manière subsidiaire sur d’autres supports.

Ainsi l’œuvre développe-t-elle des possibilités variées de contribution et d’interaction entre les publics.

L’échange des savoirs informels

La plateforme collaborative constitue un espace privilégié pour l’échange des savoirs informels entre participants. Les apprenants peuvent y documenter leurs apprentissages expérientiels en dehors des cursus scolaires traditionnels. Les témoignages, explications de démarches ou retours sur des activités menées viennent compléter les ressources pédagogiques avec un angle plus pratique. Ces apports individuels contribuent à faire vivre un savoir situé, ancré dans les usages et les parcours personnels.

L’apprentissage de pair à pair

En stimulant les rencontres physiques et virtuelles, l’œuvre promeut les échanges entre pairs qui favorisent des modalités d’apprentissage collaboratif. Sur la plateforme, les participants peuvent mutualiser leurs questionnements, se répondre mutuellement et s’entraider dans la réalisation des défis proposés. Lors des événements, ils peuvent aussi échanger de façon informelle.Ainsi l’œuvre offre-t-elle un cadre propice aux apprentissages réciproques entre participants sur un mode horizontal et égalitaire.

Conclusion

L’analyse de la structure narrative de l’œuvre transmédia John is Learning à l’aide du modèle proposé par Ryan Javanshir, Beth Carroll et David Millard révèle une construction élaborée autour de plusieurs canaux mobilisés de manière combinée. La description systématique des canaux, de leurs instances ainsi que l’identification des modèles narratifs, de navigation et d’interaction déployés permettent de rendre compte de manière exhaustive de l’agencement du récit.

Cette œuvre est représentative des enjeux éducatifs que soulèvent les récits transmédias en encourageant une participation active des apprenants. En stimulant l’échange des savoirs informels et l’apprentissage de pair à pair, elle promeut des pratiques émancipatrices et situées.

La richesse du storyworld tient à l’articulation entre récit principal et contenus subsidiaires, ainsi qu’à la diversité des supports mobilisés. La logique combinatoire des motifs structurels offre des possibilités variées de réalisation du récit propices à enrichir l’univers fictionnel.

L’analyse montre l’intérêt de la méthodologie proposée pour appréhender de manière structurée ces formes narratives émergentes et comprendre en profondeur leur portée éducative et fictionnelle. Elle fournit des clés de lecture permettant de rendre justice à leur complexité.

Bibliographie

Javanshir, R., Carroll, B., & Millard, D. (2020). Structural patterns for transmedia storytelling. PloS one, 15(1), e0225910

L. Klastrup and S. Tosca, « Transmedial worlds – rethinking cyberworld design, » 2004 International Conference on Cyberworlds, Tokyo, Japan, 2004, pp. 409-416, doi: 10.1109/CW.2004.67

En savoir plus sur le TransmediaMIX

Présentation de TransmediaMix :

https://fr.slideshare.net/KHwork/transmedia-mix-production-framework-franais

Teaser de « John is learning » :

https://project.klynt.net/Transmedia_Mix/index.html#intro

Bilan vidéo avec Polemic Tweet (IRI) :

https://polemictweet.com/fens2014-transmediamix/polemicaltimeline.php?lang=ja_JP

Klynt : https://www.klynt.net/fr/

Memoways : https://ulrichfischer.net/memoways/